A tout seigneur, tout honneur, ce premier atelier d’écriture de janvier 2024 s’articulait autour de la danse. 

Les  écrits:

Quel est ce signe là sur sa peau ?

Elle est née voilà une heure et ce signe là déjà la distingue.

Sa mère s’interroge sur ce mystère.

Elle pleure à l’idée d’une faute oubliée qu’il lui faudrait expier. Le père n’entre pas dans le jeu. Il n’y a pas de justice dans ce signe, ce n’est qu’un aléa génétique, comme sa peau dorée ou sa bouche en cœur.

Dans toutes les langues la mère s’interroge toujours: why ? porque ? pourquoi ?

Aucune réponse ne vient alors elle cesse de chercher.

L’enfant est tendre et rieuse. Deux yeux bleus illuminent son visage.

Personne ne parle plus du signe, personne n’ose même le nommer. Presque tomberait-il dans l’oubli si quelquefois dans la cour de l’école, il n’amenait quelques rires moqueurs.

Mais l’enfant non seulement rayonne mais en plus est brave. Alors elle continue d’avancer tête haute et sourire aux lèvres.

C’est notre soleil dit le père, c’est ma princesse affirme la mère, c’est notre chipie tempèrent les sœurs, c’est notre conquête claironnent les prétendants.

Mais contre vents et marées, elle poursuit son chemin, insoumise, sans bague au doigt, ni chaînes aux pieds.

Toujours elle poursuit sa quête vers le lointain : ce signe ? C’est quoi ? Pourquoi moi ?

Elle croit parfois trouver une réponse sur les traces noires d’un marc de café ou sur un jeu de tarot abîmé. Mais ce ne sont que de vains espoirs.

Alors s’en s’arrêter, chassant la nuit qui la poursuit, la femme des longues patiences se donne lentement le jour.

 

Syllabe Avril 2025

Vivre d’amour et de danse,

Vivre et chanter en liberté, 

Interpeller Dieu et danser,

Danser en direction du vent,

Danser à contre temps,

Danse-moi, il est temps !

Danser et rire souvent,

Danse-moi tendrement !

Danser dans le mouvement,

S’en aller loin devant,

Dans toutes les directions, s’envoler maintenant.

E.M.

Pour vivre heureux, vivons cachés. 

Hé oui, je vais vous parler de cette maison…c’est une maison au bout du chemin de halage. Dans le coin et même dans la région, tout le monde connaît son existence. Pour vous accueillir, devant la maison, il y a un amas d’ordures.  

Vous voulez la visiter ? Aujourd’hui c’est portes ouvertes : la porte de la maison est ouverte sur un couloir. Long couloir large, tapisseries désuètes collées au mur. 

 Cette maison sent le renfermé, tant l’humidité est là depuis longtemps. En marchant plus avant, on peut observer deux fauteuils d’ « époque », l’un étant habituellement occupé par « le vieux ». Les habitants de cette maison sont de grands travailleurs. Ils -en dehors du « vieux »- ne connaissent pas le repos. Ils travaillent tous au même endroit, à la chaîne.  

Une fois rentrés chez eux, souvent, ils apparaissent aux fenêtres comme autant de fantômes. Comme pour forcer le trait, les fenêtres ont des rideaux de dentelle blanche. 

Ces personnes aiment les gens. Pourtant, jamais ils n’invitent des amis. 

Anne 14 octobre 2024 

J’inspire…plutôt je soupire…

Je repense à ma vie palpitante, pendant que je suis en train de nettoyer mes vieilles casseroles.

« Voilà ce que je suis, encore une femme utile » me dis-je.

Perdue dans mes pensées, je me suis mise à danser, une musique tourne en boucle dans ma tête.

Pépé le perroquet, dans sa cache en me regardant, s’est mis à se balancer au même rythme.

Je pensais en même temps à mon organisation de la journée. Une énigme. Je soupire.

Après tout, je ne suis qu’humaine, une femme cachée sous une carapace. Le monde a beaucoup d’attente, on doit être féminine, être habile. Troisième soupir.

C’est avec beaucoup de sagesse, que je me suis consolée en me disant que la femme des longues patiences se donne lentement le jour.

Céline Avril 2025

Depuis l’enfance elle est habitée par cette angoisse de l’équilibre.

Mais où donc trouver ce point magique qui confère à la balance son insouciance ?

Pencher à droite, à gauche, revenir au cœur, à l’essentiel !

Ça, elle sait faire avec les sentiments, elle peut aussi avec les pensées…   trouver l’équilibre entre l’angoisse et la légèreté… mais son corps !

Cette chose qui s’emmêle, s’égare, plie, rompt, se vautre, s’avachit, se méprise, se mutile, s’annihile…

Il ne sait ni où est le nord, ni aller au sud, se perd à l’est et part complètement à l’ouest.

Elle voudrait tournoyer comme une plume emportée par le vent mais n’éprouve que la pesanteur d’une plume plaquée au sol par la pluie.

Alors elle reste là, figée. La musique enlace son corps et elle n’ose esquisser un geste : l’équilibre, où est l’équilibre ?

Son âme vibre, sa bouche chante mais son corps de plomb ne résonne que de ses peurs.

D’un regard affamé elle dévore les autres corps, leurs envolées sur des accords d’équilibristes.

Elle voudrait tourbillonner aussi. Son corps tendu d’espoir vacille.

Une main la saisit, un bras l’enveloppe… elle se laisse emporter, se plie, se courbe, glisse, s’éloigne, se rapproche, étreint…

Le point d’équilibre, là, juste entre les deux. Elle sait désormais. Elle peut s’élancer.

SL

Quand j’étais enfant, j’allais souvent en vacances chez ma grand-mère avec ma cousine Marie. 

Non loin de chez elle au pied de la colline, il y avait une maison bleue. 

Nous la regardions à distance pendant nos promenades. 

Devant la maison il y avait un puits en pierre moussu et les fenêtres étaient fleuries de géranium.. 

Souvent on entendait de la musique : les habitants de la maison étaient des joyeuses personnes et faisaient souvent la fête dans le jardin. J’imaginais, petite fille naïve, qu’ils ne faisaient que s’amuser puisque jamais je ne les voyais vaquer à leurs occupations. 

Un jour que notre balade nous conduisait plus prés de la maison, nous avons vu que la porte était grande ouverte et qu’il régnait un étrange silence. 

Timidement nous nous sommes approchées. Ne voyant personne dans le jardin nous sommes allées jusqu’au seuil de la maison. « Il y a quelqu’un ? ».Avons-nous demandé. Devant l’absence de réponse nous sommes entrées. Dans la pièce de vie, tout était dévasté comme si une tornade était passée par là : il ne restait plus le moindre petit espace vital ! 

La maison sentait la cire d’abeille et le patchouli mais aussi une odeur écœurante que nous ne pouvions identifier. 

Soudain un gémissement sortit de derrière une table renversée. Terrorisées nous nous sommes enfuies. Arrivées hors d’haleine chez notre grand-mère nous lui avons raconté notre histoire. 

Elle a appelé sans attendre les pompiers et les gendarmes et c’est ce qui a sauvé la propriétaire de la maison. Mais pas son amant. Le mari pris d’une rage folle à la découverte de leur infidélité avait trucidé son rival et tenté de faire subir le même sort à sa femme. Ensuite il avait saccagé ce qui avait été la maison du bonheur. 

Désormais ce qui fut une maison joyeuse est un lieu abandonné où personne ne rentre plus. 

Quant à moi je ne crois plus aux histoires d’amour. 

Syllabe 14 octobre 2024